Le droit de ne pas sourire (aux inconnus)
Photo : Françoise Hardy
S’il y a bien un truc qui me met en rogne, ce sont les inconnus dans la rue qui te balancent : “Ben, fais-pas cette tête. On dirait qu’on a mangé ta soupe. Allez, un petit sourire.” Ça vaut aussi pour Facebook et Instragram, où j'ai déjà reçu des messages en MP disant : “Ben tu pourrais sourire un peu quand même non ?” / “Tu serais plus jolie si tu souriais”.
Alors comment dire, on n’a pas élevé les brebis ensemble et on ne s’est jamais parlé avant, alors que me doit l’obligeance ? Ce qui me gène le plus c'est que ce sont les femmes les premières concernées. En discutant avec des amis, je me suis rendue compte que très peu d'hommes de mon entourage ont reçu des messages leur demandant pourquoi leur gueule sourit à l'envers.
Quoi ma gueule, qu'est-ce qu'elle a ma gueule ?
Pourquoi exiger que les femmes soient des poupées ou des robots qui doivent sourire pour faire plaisir à ces autres qu’elles ne connaissent pas ; Tout fonctionne comme si intrinsèquement, à l’image des publicités, les filles devaient toujours avoir la bouche en cœur et le regard rieur. Est-ce qu’on demande à Clint Eastwood, De Niro ou Vincent Cassel de sourire sur commande ? Qu’est-ce que tu en sais toi, l’inconnu au sourire pas si béat (donc toi, tu as le droit de faire la gueule) qui demande à l’autre une petite risette, s’il ne s’est pas passé un truc grave dans la journée de la fille. Pourquoi n’a-t-elle pas le cœur à esquisser un sourire ? Elle est peut-être malade, elle s’est peut-être fait larguer ou alors son chat est mort. Ou alors elle pense au reste du monde. Peut-être que tant qu'un être sera malheureux sur cette terre, cela empêchera cette fille de sourire à tout va. Et puis, on lui a peut-être réellement mangé sa soupe, à cette inconnue. Et ce n’est pas ton injonction à la béatitude de façade qui va lui remonter le moral. A part si on trouve dans une fiction de noël…
Violaine S
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